L’importance du contexte en traduction
» Pour traduire, il faut comprendre « , tel est le credo des linguistes, mais que faut-il comprendre ? Des mots ? Un sens ? Connaître la signification des mots n’a guère d’intérêt si le sens est incompris, or pour comprendre le sens, il faut analyser le contexte, donc sans contexte, point de compréhension.
Il ne suffit pas de saisir uniquement les significations, car les significations seules ne nous offrent que des possibilités sémantiques potentielles. Ce qu’il importe réellement de comprendre et de transposer, c’est le sens. Le sens constitue le fondement d’une traduction authentique et fidèle. Comprendre le sens implique souvent une analyse des différents contextes : le contexte verbal immédiat aide à dissiper la polysémie des termes ; le contexte verbal plus large permet de déterminer la signification d’une phrase, tandis que le contexte situationnel est crucial pour appréhender l’intention du traducteur. Ces contextes sont indispensables tant pour la compréhension que pour la traduction. Le traducteur doit donc dépasser les limites de la langue et mener ses analyses dans le domaine de la communication verbale.
Les 2 déterminants de la traduction, le signifié et le sens
Les métiers de la traduction et de l’interprétariat se réalisent au niveau du sens et du signifié. Par opposition aux idées reçues, les langues ne se résument pas à des listings de mots qui désigneraient des choses, des êtres, des principes, des concepts sinon tous les vocabulaires auraient leur correspondance identique dans toutes les langues et le recours à la traduction automatique serait plus pertinent qu’il ne l’est aujourd’hui. Dès lors que l’on ne parle plus de juxtaposition de mots mais de phrases, de construction, on introduit l’idée du sens, d’une architecture supérieure à la somme de ses éléments qui rend infinies les combinaisons.
La traduction sans contexte
La plupart des traducteurs professionnels, indépendants ou exerçant au service d’une agence de traduction, se sont heurtés à la problématique de la traduction sans contexte, on pourrait dire sans sens. Il s’agit souvent de listes de mots, plutôt simples, dont la traduction semble évidente (pour le donneur d’ordre). Paradoxalement, ce type de travaux est le plus difficile à réaliser, le plus pénible à traiter, parce que chaque terme a été rédigé par rapport à un contexte, un métier, un secteur d’activité et que ce contexte, le plus souvent, n’a pas été communiqué. Au-delà de la pénibilité de traduire des listes de mots, beaucoup plus chronophages que la traduction de phrases, les chances de se tromper sont élevées. Puisque chaque mot à traduire revêt plusieurs sens et qu’aucune indication ne permet de faire un choix, la propension à traduire « à côté » est extrêmement forte.
La traduction de textes morcelés
De nos jours, une multitude de contenus sont constitués et gérés en ligne via des CMS (Content Management Systems), ce qui ne permet pas aux traducteurs (ou aux relecteurs) de travailler dans un contexte approprié.
Parfois, dans un texte source français par exemple, les traductions impliquent des fragments de phrases qui seront ensuite assemblées sur l’interface finale. Ces fragments sont souvent isolés dans l’outil, suivant une structure linguistique propre au français (sujet, verbe, complément). Pensez par exemple à la complexité d’une traduction allemande, où le verbe est souvent divisé en deux parties, parfois relégué en fin de phrase, notamment dans les propositions subordonnées. Les défis sont encore plus grands avec des langues comme le chinois, avec sa structure de phrase distincte, ou l’arabe, lu de droite à gauche. Dans d’autres langues, les règles d’accord sont souvent bien plus complexes qu’en français, affectant à la fois les noms et les verbes. Comment, par exemple, gérer l’accord d’un nom variable inconnu ?
A cela s’ajoute la notion de « foisonnement », qui décrit la différence de longueur des phrases d’une langue à l’autre. Une phrase anglaise traduite en français, par exemple, sera plus longue que la version source. Cet enjeu est bien connu dans le domaine du sous-titrage, mais est souvent négligé dans les projets de localisation de sites web ou d’applications.
Comment traduire des listes de mots sans contexte
La traduction de listes de mots dénuées de contexte nécessite, soit de clarifier chaque terme avec le client, ce qui, pour des sites comportant des bases de données de produits couvrant plusieurs secteurs d’activité, est tout simplement irréalisable, soit d’effectuer post traduction une vérification des textes traduits in situ, c’est à dire dans leur contexte. Dans tous les cas, il est indispensable d’avertir le donneur d’ordre des risques inhérents à la traduction sans contexte.
Pour aller plus loin :
- Contexte, compréhension, traduction par Chen Wei
- La théorie du sens et la traduction des facteurs culturels de Dinh Hong Van
- Parcours de traduction par Jeanne Dancette