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Un marché de la traduction peut en cacher un autre

La société californienne Language Weaver, éditrice de logiciels et solutions de traduction automatique, a récemment annoncé que le marché caché de la traduction, sous-entendu, la valorisation des nouvelles formes de traduction actuellement non marchandes (ou quasi non marchandes) telle que la traduction automatique, représenterait environ 67 milliards de dollars, un chiffre qui surprend si on le rapporte aux 14 milliards mesurés par la société de conseil Global WatchTower dans l’économie réelle.

Au-delà du caractère aléatoire voire fantaisiste du montant avancé par Language Weaver, dont nous comprenons fort bien les motivations pécuniaires à délivrer ce type de message, cette estimation permet de mesurer l’étendue des besoins en matière de traduction et de tirer quelques conclusions. En tant qu’agence de traduction nous interprèterons l’estimation de Language Weaver d’une autre manière :
Le chiffre signifie d’abord que le marché de la traduction présente un potentiel de développement exceptionnel et ce même en temps de crise, une information plutôt rassurante pour les acteurs, ensuite le recours à la traduction automatique masque des besoins partiellement satisfaits. Enfin une grande partie des entreprises n’est pas actuellement disposée à payer les traductions humaines au prix du marché.

Les entreprises attendent beaucoup de la traduction automatique
Une étude basée sur plus de deux cents entretiens auprès d’entreprises américaines et européennes (dont Hewlett-Packard, Kellog’s et Nokia) met en avant l’intérêt croissant des entreprises pour la traduction automatique. 17 % des sondés y ont déjà recours et 11 % envisagent de le faire. On apprend également que 30 % des entreprises interrogées ne l’utilisent pas, jugeant sa qualité insuffisante et que 60 % attendent de la traduction automatique une qualité équivalente à une traduction humaine.
Le chiffre de 60 % se révèle discriminant et révèle la méfiance des entreprises vis-à -vis de la traduction automatique (peut-être utilisée par dépit ?). Si l’on part du postulat (source de tous les débats entre linguistes et statisticiens) que la qualité de la traduction automatique ne sera jamais équivalente à une traduction humaine et profesionnelle, mais que son utilisation sera généralisée pour les échanges non stratégiques, les traducteurs indépendants et les agences de traduction peuvent d’ores et déjà se mobiliser et élaborer des stratégies pour conquérir une part de ce marché potentiel. Il est grand temps d’ailleurs, car ne nous ne leurrons pas, les acteurs traditionnels passifs n’en sortiront pas indemnes.

Un mélange de traduction automatique, humaine et de TAO pour l’avenir
Un message se répand à merveille dans les articles professionnels et particulièrement, en provenance des éditeurs de logiciels de traduction automatique, mettant en avant un modèle de traducteur du futur qui intégrera la traduction automatique à son process de traduction. Une méthode qui permettrait au traducteur de multiplier par dix sa capacité de travail et donc d’améliorer significativement ses revenus. Lorsque l’on connait l’attachement des traducteurs à la qualité des mémoires de traduction qui leur sont fournis, on peut douter de leur attrait pour des mémoires de masse fournies par les logiciels de traduction automatique et reposant sur des volumes de traductions plus ou moins validés et donc de qualité inégale. Quant à l’accroissement des revenus, prenons plutôt exemple sur l’histoire qui démontre que l’accroissement de la productivité permet davantage de rester compétitif en réduisant les prix. Les tarifs de traduction étant déjà relativement bas dans le monde de la traduction professionnelle (et appelés à baisser davantage si la traduction collaborative ou automatique s’impose), il est fort à parier que les traducteurs seront contraints de travailler plus pour gagner autant, ce qui devrait entraîner une baisse de qualité, une prévision bien éloignée des prophéties des éditeurs de logiciels.

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